LES LIVRES

L'ombre et la lumière (2006)
Chez France Empire
Par Caroline Reali / Annie Reval

MICHEL SARDOU, L’OMBRE ET LA LUMIERE
Annie Réval & Caroline Réali (France Empire)
Interview réalisée par Fabien, pour clubsardou.com


Je tiens à remercier vivement, au nom de tous les fans,
Annie Réval et Caroline Réali pour leur livre, pour leur gentillesse,
et pour cette longue interview exclusive, ainsi que pour le témoignage
inédit de Brigitte Fossey !

Un grand merci également à Bernard Réval pour sa patience
et pour l"organisation de cette interview.


Partie 1 : Titre et couverture

clubsardou.com : Pourquoi avoir choisi pour titre " L’ombre et la lumière " ? Pensez-vous que l’image de Michel Sardou auprès du grand public est très différente de ce qu’il est réellement ? Quelles sont pour vous les grandes révélations de votre biographie (en référencement à la couverture : " Michel Sardou révélé, enfin ! ") ? "

Annie Réval : " L’ombre et la lumière est un titre qui colle à Sardou. Nous ne cherchons jamais un titre, il s’impose tout seul. Pour Sardou, dans un premier temps, j’avais pensé à " Salut l’artiste ", mais Caroline et notre éditeur (France Empire) ont trouvé que ça faisait un peu " nécro ". Moi, je voyais plutôt ça comme un véritable " salut " à une sacrée carrière. Je me suis rangée à leur opinion. Au fur et à mesure de nos investigations, nous avons découvert un homme très paradoxal, avec effectivement des zones d’ombre et de lumière intenses, tant dans son caractère que dans son métier, ses agissements et sa vie privée. Il semble capable du meilleur et du pire, tour à tour et souvent abruptement. Nous nous sommes appliquées à en montrer toutes les facettes. "

Caroline Réali : " Sardou peut avoir laissé des images très contrastées au sein de son public : le Sardou controversé et adoré des années soixante-dix, le Sardou enraciné dans le théâtre depuis des générations, le Sardou " viveur " et très complice avec ses musiciens, et enfin le mari d’Anne-Marie qui joue de ses cheveux blancs et plaisante volontiers sur son âge… L’homme est multiple, il ne pouvait qu’être passionnant. Dans ce livre, nous avons tenté de faire la lumière en ne gommant pas toutes ces zones d’ombre. "

clubsardou.com : " Peut-on savoir pourquoi la photo définitive de la couverture du livre n"est pas celle initialement prévue, publiée plusieurs semaines auparavant sur Internet ? "

Caroline Réali : " La photo que nous avions choisie au préalable était sans doute très sympathique, mais le jour où la définitive nous est parvenue (par Internet !), nous avons su immédiatement toutes les deux que c'était la bonne. Elle représente un Michel actuel, sans concession, dans le cadre d'un théâtre. Sur le plan esthétique, le dégradé d'ombre et de lumière se marie parfaitement avec le titre. Le choix n'a pas été difficile. Encore une fois il s'est imposé à nous. "

Annie Réval : " A plusieurs occasions, Michel a plaisanté, disant souvent que lorsqu'il fait " la gueule " sur la pochette, ses disques se vendent bien mieux. L'adage a l'air de se renouveler puisque le livre est classé premier des " essais et people " depuis qu'il est sorti. "


Partie 2 : Une richesse d"informations

clubsardou.com : " Le livre contient beaucoup d'informations pour la plupart inédites même des fans. Quel temps vous a pris le recueil des informations ? Internet a-t-il été pour vous une source d'informations importante ? "

Annie Réval : " Le temps ne compte pas. Il y a des années que nous avons commencé à écrire sur la Chanson française en général. Elle fait partie de notre vie. J'ai été formée dans les coulisses de spectacles divers depuis l'âge de huit ans. Dès mon enfance, j'ai eu la chance de côtoyer Bécaud, Brel, Sardou, Lama, Aznavour et tant d'autres dans l'intimité des coulisses de leurs tournées. Une faculté d'observation qui s'est accrue avec l'âge, des amitiés avec les musiciens, les auteurs- compositeurs jamais désavouées, une envie aussi de " préserver " ce petit trésor qu'est la chanson française... C'est la passion de toute une vie. Alors que dire du temps ? Je ne sais pas ! Je parlerais plutôt de l'enthousiasme qui me paraît être un élément plus essentiel dans notre motivation. "

Caroline Réali : " Je suis d'une génération qui ne sait pas vivre sans Internet. C'est vrai, les recherches sont facilitées mais cela ne suffit pas. Que diraient les lecteurs si les seules sources émanaient d'Internet ? Recopier bêtement toutes les informations manquerait singulièrement d'intérêt pour vous tous, et surtout pour nous ! Rien ne vaut le contact, les rencontres, l'excitation suscitée par une personnalité hors du commun..., c'est comme ça que nous concevons nos livres : comme des aventures partagées et non pas comme un face à face avec un écran. "

Annie Réval : " J'ajoute à cela que quitte à paraître démodée, j'ai besoin d'écrire à la main. Souvent, j'ai l'impression qu'elle (ma main) est en contact direct avec mon cerveau et que ces deux-là se débrouillent sans moi ! Trêve de plaisanterie, je n'envisage pas de clavier entre nos " sujets " et moi. Les onze livres que nous avons faits ont tous été écrits à la main, ça en fait des pages et de l'encre tout ça ! "

clubsardou.com : " Pourquoi n"avoir interviewé aucun de ses collaborateurs récents (depuis 2004 et l'album 'Du plaisir') mais beaucoup de ses collaborateurs passés ? Comment avez-vous choisi les personnes interviewées ? "

Caroline Réali : " Nous avons contacté un nombre impressionnant de collaborateurs de Sardou. Ceux qui ont pu ou voulu s'impliquer en ont eu tout le loisir. Maintenant, nous n'avons pas pour habitude de " mettre un canon sur la tempe " des gens. S'ils ne répondent pas présents, c'est probablement parce qu'ils ont des raisons..., qu'elles soient déontologiques, amicales ou autres ne nous regarde pas : nous respectons et prenons ce qu'on nous donne ! On ne se refait pas, nous ne sommes pas des " paparazzi de la biographie ", plutôt des " historiennes " et puis il y a dans ce livre tant de témoignages de gens qui ont construit la carrière de Sardou, tant d'avis concordants et divergents qu'il fait un tout. "

Annie Réval : " Croyez-vous qu'il ait été facile d'obtenir le témoignage de Pierre Delanoë, qui nous avait auparavant signé la préface de " Bécaud, jardins secrets " ? Le jour où nous lui avons parlé de notre projet, il était de mauvaise humeur...

Conversation avec Annie :
A : " - Pierre, nous voudrions que vous nous parliez de Michel Sardou.
P : " - Mais je ne veux pas dire du bien de Sardou !
A : " - Tant pis, vous nous en direz du mal...
P : " - Mais je ne veux pas en dire du mal non plus !
A : " - Vous direz ce que vous voudrez, vous nous parlerez de vous...
P : " - Bon, alors d'accord, rendez-vous à la Sacem ! "
Voilà un petit exemple rigolo d'entrée en matière, maintenant il est certain que souvent les artistes que nous sollicitons sont affairés à leurs propres activités et certains témoignages nous arrivent après les délais imposés par notre éditeur. Ainsi, la veille de la sortie de la biographie, ai-je eu au téléphone une Brigitte Fossey effondrée de n'avoir pu participer pour dire à Michel dans ce livre toute l'affection qu'elle éprouve pour lui. Nous avons donc décidé de vous donner en fin d'interview la primeur de ce témoignage inédit, sans changer un mot du texte qu'elle nous a fait parvenir. "


clubsardou.com : " Avez-vous mis de côté certains sujets importants abordés lors des interviews ? Si oui pour quelles raisons ? "

Caroline Réali : " Nous n'avons rien mis de côté, mais nous savons depuis longtemps où sont nos droits et nos " devoirs " en matière de vie privée, par exemple. Avec ce que " nous n'avons pas dit " sur bien des chanteurs depuis des années, nous pourrions écrire un livre croustillant et génial... et avoir des problèmes qui nous empêcheraient de dormir pendant un bon bout de temps ! "

clubsardou.com : " Regrettez-vous de n'avoir pas pu interviewer Michel Sardou, ou était-ce aussi bien d'avoir finalement plutôt des avis extérieurs ? "

Annie Réval : " C'est un choix ! Nous avons l'habitude de prévenir la personne sur qui nous travaillons lorsque nous avons assez de " matière " et lorsque nous sommes sures de sortir le livre. Nous avons maintenant une petite expérience qui nous a prouvé que lorsque le " sujet " s'implique, souvent il ne nous apprend pas grand-chose que nous ne sachions déjà, mais que cette implication nous oblige à une certaine " réserve " dans ce que nous pourrions écrire... La liberté totale est nécessaire dans notre cas et nous préférons avoir la vision de l'entourage pour dresser un portrait fidèle. Il existe d'autres ouvrages où les chanteurs s'entretiennent avec des journalistes pour raconter ce qu'ils veulent bien dévoiler de leur tempérament. Ce n'est pas notre propos, pas notre désir. Et puis, pour un artiste, c'est difficile de dire : " J'ai fait ceci, j'ai fait cela, je suis le plus grand... ! ". Pas de recul ! C'est autre chose. Là, quand nous avons quelqu'un en face et qu'il nous parle de l'artiste avec une larme dans les y eux ou avec colère ou en riant encore de son anecdote, notre vision de l'homme se précise et nous n'avons aucune difficulté à l'analyser à travers les confidences (parfois très intimes) que nous recueillons. "


Partie 3 : A propos de Michel Sardou



clubsardou.com : " Aviez-vous des a priori concernant Michel Sardou qui ont été remis en cause lors de vos recherches ? Avez-vous été surprises par certaines informations recueillies ? "

Caroline Réali : " Pas d'à priori, au contraire..., de la curiosité. Ce n'est pas un personnage lisse, c'est plus captivant qu'une personnalité linéaire comme Aznavour (par exemple), c'est plein d'aspérités, de failles, c'est profondément humain. On aime plutôt ça toutes les deux, donc pas de surprises. On l'imaginait tel quel, mais nous en préfère les gens bourrés de contradictions, on est peut-être un peu " marginales " dans nos choix. "

clubsardou.com : " Aviez-vous depuis longtemps le projet d'écrire un livre sur Michel Sardou, ou est-ce venu récemment pour une raison particulière ? Pourquoi ne pas avoir écrit un livre sur Michel Sardou plus tôt, celui-ci étant votre onzième ouvrage ? "

Annie Réval : " Avec Bernard Réval, mon mari, nous avons commencé à travailler sur " la chanson française " depuis fort longtemps. Nous pensions déjà à écrire un livre sur la carrière de Sardou et avions d'ailleurs rencontré Jacques Revaux à cet effet en 1997. Nous avons poursuivi nos travaux dans plusieurs directions simultanément : Aznavour, Bécaud, Nougaro, Goldman, Farmer, etc., recueillant de nombreux témoignages sur les uns et les autres. A propos de Sardou, nous étions déjà les invités d'Eddie Barclay dans sa maison du Cap, à côté de Saint-Tropez, en 1995. Il y évoquait pour nous les premiers pas de Michel et le manque de flair qu'il avait eu en la circonstance.

" Nous n'avons pas de " plan de carrière ", les livres sont sortis lorsqu'ils étaient " complets ". Pourquoi Barbara avant Goldman ? Pourquoi Obispo après Depardieu ? On ne sait pas. Nous ne choisissons rien, cela se met en place tout doucement comme un véritable puzzle. "


Caroline Réali : " Jusqu'à présent, le seul de nos livres qui ait été fait pour sortir à date fixe est celui sur l'équipe du Splendid (L'aventure des Bronzés, trente ans d'amitié), qui devait impérativement voir le jour en même temps que le film. Pour le reste, c'est vrai que c'est un peu anarchique et spontané, mais sans aucun doute pas dans l'ordre de nos préférences personnelles. Ce serait bien triste et ça voudrait dire que nous n'aimons pas beaucoup ceux qui restent à venir ! "


Partie 4 : Suite au succès du livre



clubsardou.com : " Michel Sardou a dit en interview avoir parcouru le livre. Vous a-t-il contacté depuis sa sortie ? Vous a-t-il donné son avis ? "

Caroline Réali : " Michel Sardou a été bienveillant à propos de notre livre. Il a trouvé que nous étions bien documentées et que nous avions fait un travail sérieux. Il dit qu'il aurait souhaité nous rencontrer, mais n'a pas répondu à notre première lettre du mois de juillet que nous avions fait transiter par le bureau de Jean-Claude Camus. Il était sans doute très occupé par ses projets l'été dernier. Ceci dit, nous lui avons envoyé le livre il y a quelques jours. Même s'il l'avait déjà lu, c'était la moindre des corrections. "

Annie Réval : " A propos, s'il souhaite vraiment nous rencontrer, nous pourrions alors envisager un deuxième tome avec lui... Pourquoi pas ? "

clubsardou.com : " Un membre du forum souhaite savoir si vous préparez un autre livre et sur quels artistes vous comptez écrire prochainement. "

Annie Réval : " Nous fourmillons de projets concernant des artistes très différents de la chanson et du cinéma. Qui arrivera en tête ? On ne sait pas, c'est un peu comme dans " Star Machin",... si vous avez un désir précis, tapez 1..., c'est bien connu. Seul le public décide ( !). "

clubsardou.com : " Après ses nombreuses recherches, et un livre très riche, si vous deviez résumer Michel Sardou en quelques mots ? "

Annie et Caroline (à deux voix) : " Comment résumer plus de trois cents pages en quelques mots ? Une seule façon possible : trouver un titre caractéristique. Pourquoi pas L'ombre et la Lumière ? "


Partie 5 : Témoignage inédit de Brigitte Fossey

(parvenu aux auteurs après l'impression du livre " L'ombre et la lumière ")


" Cher Michel, j'ai toujours été sensible à ta voix, et aussi à l'étincelle lumineuse qui dort, prête à bondir, au fond de ton regard. Ta voix, - et cette petite bougie allumée au fond de ton regard. Ta voix, comme un brasier, ton regard sous lunettes noires : les photophores de ton enfance. Il y a trop de lumière dans les calanques, sur la scène, et chez ce qu'on appelle chez Saint-Exupéry " Les Grandes Personnes "..., soi-disant !!! "

" La voix de Michel est chaleureuse, pleine d'humanité et de soleil, pleine de chaleur et de contrastes, comme la Méditerranée qui l'a fait naître ; ombre et lumière, humour ou nostalgie. Il parle simplement, avec force, avec violence, avec provocation, avec tendresse, avec humour, avec nostalgie. Avec humour, toujours.

" Dans L'homme en question, de Félicien Marceau, mis en scène dans " son " théâtre d'alors, le théâtre de la Porte Saint-Martin, auquel il est toujours attaché, j'ai découvert un véritable acteur, plein de tact et d'audace, se pliant à une discipline de fer, celle de la régularité forcenée des théâtreux, qui ne sont pas soutenus par la musique, cette mer océanique qui porte les chanteurs... J'ai découvert aussi l'homme de la troupe, plein de fantaisie, de délicatesse et de respect pour ses jeunes acteurs aussi. Davy, son fils, est un amour, modeste et TALENTUEUX.

" Michel connaît ma faiblesse pour le chocolat. Chaque semaine, presque chaque jour, un cadeau somptueux et... très nourrissant m'attendait sur ma table de maquillage, dans ma loge. Un petit mot charmant de Michel accompagnait les jolies boîtes : " Pour ma conscience (c'est le rôle qui m'était dévolu), n'en abuse pas (des chocolats...). Or, son épouse, élégante et belle, avait une ligne remarquable. Au bout de six mois de tournée, Michel m'a lancé un soir, sur le plateau, avant le spectacle : " Brigitte, tu as un gros postérieur maintenant, comment se fait-il ? Je ne veux pas que ma conscience ait un gros C_L !... " J'ai d˚ me remettre au régime... Merci Michel ! Je me suis rendu compte, mais trop tard, que ses attentions chocolatesques avaient eu un effet conséquent sur le costume aérien de l'ange désincarné qu'avait amoureusement confectionné la grande artiste Pascale Bordet. " Michel, la prochaine fois..., s'il te plaît, pense à l'eau de source de Corse, j'adore ça !... "


Brigitte Fossey.

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(avec l'amical accord de reproduction accordé à clubsardou.com par Annie Réval et Caroline Réali)